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Moisseeff, Marika

Que recouvre la violence des images de la procréation dans les films de science-fiction?

On-line version: http://data.constantvzw.org/s-a-s/08_moisseeff.pdf

Dans le dernier numéro de Télérama paru en 1999, un petit article proposait d’établir une liste de faits qui caractériseraient l’humanité de l’an 2000 au regard de celle de l’an deux mille cent et quelque. Entre autres faits remarquables, on pouvait relever: «En l’an 2000, les gens étaient enfantés à
l’intérieur de leur mère, comme les animaux.» (Sorg, 1999:13, mes italiques) Retenons ce fait: la maternité, la grossesse,
l’enfantement naturel, la nécessité d’être englobé dans un corps de femme avant de naître, relèguerait l’humanité au
rang de l’animalité. Ce constat pourrait ne relever que de
l’anecdote s’il ne constituait une constante dans les récits
et les films de science-fiction qui ont pour thème la procréation. Je postulerai ici que les œuvres de science-fiction
correspondent à une forme de mythologie contemporaine
occidentale, au sens anthropologique du terme. Nous verrons que leur analyse est susceptible d’apporter un éclairage
sur les représentations de la reproduction mais également
sur celles qui ont trait aux différences culturelles.

La viviparité, terme scientifique utilisé à dessein
par Huxley pour signifier l’horrible obligation animale
d’en passer par un ventre féminin pour naître [1]
, y est perçue comme une infâme chose du passé, ne subsistant plus
qu’à l’état de survivance honteuse dans quelques réserves
de sauvages. L’apogée de la civilisation correspond dans
cette utopie à l’avènement de la stérilisation généralisée.
Celle-ci s’accompagne de la disparition de la famille, du
mariage, de toutes formes de relation de parenté qui sont
devenus autant d’obscénités.
De fait, dans ce mythe d’anticipation, la pornographie est rattachée, non à la sexualité, mais à l’enfantement. Alors que les adultes s’adonnent à volonté aux
activités érotiques, s’extasiant devant les ébats sexuels des
bambins dans les cours de récréation, ils sont offusqués
lorsqu’on leur rappelle l’origine vivipare de l’humanité. Il
en va ainsi pour les étudiants auxquels s’adresse le Direc-
teur de l’Incubation et du Conditionnement des bébés,
notamment lorsqu’il les questionne sur la signification du
mot parent:
«Il y eut un silence gêné. Plusieurs des jeunes gens
rougirent. [... ] L’un d’eux, enfin, eut le courage de lever
la main. - Les êtres humains, autrefois, étaient ... , dit-il avec
hésitation; le sang lui affluait aux joues. – Enfin, ils étaient
vivipares. [... ] Le pauvre garçon était éperdu de confusion. [... ] - En un mot, résuma le directeur, les parents étaient
le père et la mère. – Cette ordure, qui était en réalité de la
science, tomba avec fracas dans le silence gêné de ces jeunes
gens qui n’osaient plus se regarder. - La mère ... , répéta-t-il très haut, pour faire pénétrer bien à fond la science; [... ] – Ce sont là, dit-il gravement, des faits désagréables, je le
sais. Mais aussi, la plupart des faits historiques sont désagréables. [... ] (car il faut bien se souvenir qu’en ces jours
de grossière reproduction vivipare, les enfants étaient toujours élevés par leurs parents, et non dans des Centres de
Conditionnement de l’Etat.) - Essayez de vous rendre compte de ce que c’était que
d’avoir une mère vivipare.
De nouveau, ce mot ordurier. [... ] - Essayez de vous imaginer ce que signifiait «Vivre
dans sa famille.»
Ils essayèrent; mais manifestement sans le moindre
succès. - Et savez-vous ce qu’était un «foyer»?
Ils secouèrent la tête. [... ]

Pareille à une folle furieuse, la mère couvait ses enfants (ses enfants)... comme une chatte, ses petits [...] Notre Freud avait été le premier à révéler les dangers épouvantables de la vie de famille. Le monde était plein de pères, et était par conséquent plein de misère; plein de
mères, et par conséquent de toute espèce de perversions, depuis le sadisme jusqu’à la chasteté; pleins de frères, de sœurs, d’oncles, de tantes – plein de folie et de suicide.» (Huxley, 1998: 41-42, 54-57)
Dans l’univers sans mère dépeint par Huxley, où l’une des devises favorites est «chacun appartient à tout le monde», point de mariage, et encore moins de monogamie: le libertinage et le sexe sont roi. La chasteté y apparaît donc comme l’une des pires perversions car elle empêche
l’accession à l’expérience spirituelle la plus noble dans la civilisation ayant atteint le plus haut degré: l’orgasme. Elle renvoie à ces temps reculés où elle constituait le seul moyen
efficace pour juguler la reproduction. Plaisir sexuel et risque reproducteur sont posés comme fondamentalement antithétiques. «La civilisation, nous répète Huxley, c’est la
stérilisation» (1998: 130 et 141), c’est-à-dire l’éradication de la maternité. Pour être des humains véritables, des «civilisés» à part entière, il faut jouir pleinement, c’est-à-dire
être libérés du joug reproducteur. L’érotisme est l’apanage de l’humanité. Il inscrit pleinement dans la culture tandis que la reproduction naturelle rabaisse au niveau de la nature et, par là, de l’animalité.

Ce récit d’anticipation reflète admirablement l’évolution des représentations et des pratiques touchant à la reproduction dans les sociétés occidentales où les activités érotiques et la procréation renvoient à des domaines séparés et qu’il faut séparer: pour avoir une sexualité épanouie, les individus doivent se protéger de tout risque reproducteur. On met donc à la portée des individus pubères des moyens contraceptifs efficaces visant à prévenir la grossesse. La fécondité des femmes est assimilée à une maladie qu’elles doivent traiter de la puberté à la ménopause; et lorsqu’elle souhaite enfanter, elles doivent s’adresser à des spécialistes, gynécologues et obstétriciens, qui ont la charge plus ou moins exclusive de la grossesse. La procréation est devenue le domaine réservé du «médicalement assisté».

Huxley associe donc dès 1932 l’émancipation sexuelle au contrôle sur la fécondité. Et, en effet, liberté sexuelle
et égalité des sexes sont redevables aux moyens développés pour maîtriser la fertilité. De fait, la grossesse, cette
phase de la reproduction sexuée dévolue aux seules femmes, confine à une asymétrie entre les sexes quasi intolérable dans le cadre d’une idéologie qui se fonde sur l’égalité.
Dans cette optique, l’égalité entre hommes et femmes doit
en passer par la symétrisation des rôles sexuels, masculins et
féminins, paternels et maternels. Seul obstacle: la gestation,
la nécessité d’en passer par un corps maternel pour naître et
pour faire naître. Une solution envisageable? Faire en sorte
que les humains ne soient plus enfantés à l’intérieur d’un
corps de femme mais dans un environnement asexué.
Pour devenir l’égale de l’homme, la femme devrait
donc sacrifier ce qui était son exclusive: la grossesse, voire
l’enfant. Nous ne sommes plus ici au niveau de la seule
utopie: pour accéder à un statut social équivalent à celui
des hommes, bien des femmes choisissent de ne pas avoir
d’enfants, tandis qu’en ex-RDA, à la suite de la vague
de chômage qui a suivi la réunification, «des centaines se
sont fait stériliser, pour prouver à un éventuel employeur
qu’elles n’auraient plus de nouvelles contraintes familiales».
(Manier 1995: 10) Ces faits bruts entrent en résonance
avec le commentaire de la photographe Bettina Rheims sur
l’une des photos de son exposition INRI: «Marie, nous dit-
elle, est la nouvelle Eve qui sauve les femmes et le monde
en sacrifiant son enfant.» Osons une interprétation des
paroles de l’artiste. L’immaculée conception, c’est-à-dire
la disjonction entre sexualité et procréation, combinée au
sacrifice de l’enfant, libèrerait les descendantes d’Eve, la
mère originaire, de l’héritage abject qu’elle leur a légué:
une forme archaïque de maternité. Eve est coupable d’être
une mère à l’ancienne. Marie, la moderne, s’y substitue
pour sauver les femmes et racheter ainsi l’humanité toute
entière, en assumant une reproduction asexuée, signe précurseur de l’avènement d’un monde meilleur, plus évolué,
plus civilisé.

Alien, une initiation féminine

Dans l’iconographie hollywoodienne, la figure de la Rédemption est incarnée par le lieutenant Ripley, l’héroïne d’Alien, une superproduction en quatre épisodes, [ [Alien, le huitième passager de Ridley Scott (1979), Aliens, le retour de James Cameron (1986), Alien 3 de David Fncher (1993), Alien, la résurrection de Jean-Pierre Jeunet (1997), Twenthieth Century Fox film Corporation.]]: elle doit, elle aussi, pour sauver l’humanité menacée par une procréation aberrante – Alien – sacrifier sa progéniture, la fille puis le fils que la créature extraterrestre la contraint à enfanter. Le personnage éponyme, l’étranger (alien, en anglais) que doit combattre l’héroïne, a les traits d’un prédateur exceptionnel – une sorte d’insecte géant mi-fourmi mi-araignée – qui transforme ses proies humaines en cocons où déverser le contenu de ses œufs. Le seul objectif de ce monstre est de se reproduire: on ne le voit jamais ni manger, ni copuler. La prédation dont il est ici question est la procréation: la bête ne dévore pas ses victimes, elle s’empare de leur corps pour engendrer. C’est un envahisseur de type cancer: il extermine de l’intérieur en pénétrant les organismes hôtes où il se développe à la
vitesse de l’éclair. L’arme suprême d’Alien est la grossesse:
le contenu de ses œufs est implanté dans la poitrine de ses
victimes par l’intermédiaire d’un organe projectile dont une
des extrémités s’enfonce dans l’œsophage; au terme d’une
gestation thoracique relativement rapide, l’accouchement
du nouveau-né provoque l’explosion de l’hôte porteur.

Dans le domaine de la science-fiction, Alien pourrait être considérée comme la suite logique du Meilleur des
mondes
: tout s’y passe comme si la procréation naturelle,
sous le masque du monstre, venait hanter les humains du
futur qui l’ont désavouée. Ce type de films anticipent un
avenir où la gestation déchue de ses droits chercherait à
réinvestir le corps des humains, quel que soit leur sexe,
et la terre où elle a été désavouée et reléguée au rang de
curiosités ethnologiques. Et comme par hasard, dans ce
monde où règnent la mixité et l’égalité des sexes, seule une
femme est à même de combattre cette «survivance» aberrante qu’est la grossesse. Cette nouvelle forme de mythologie fait donc ressurgir de manière dramatique ce qui tend
à être occulté dans nos sociétés «égalitaires»: une asymétrie
primordiale en faveur des femmes au plan de la reproduction qui permet de leur attribuer des pouvoirs particuliers
et exclusifs. L’utérus y est perçu et présenté comme une
boîte de Pandore d’où peuvent s’échapper mille démons.

En apportant la possibilité de dissocier sexualité
et procréation, les nouveaux modes de reproduction (fiV,
bébés éprouvette, clonage) sacralisent le champ obstétrical et ce qui spécifie la fonction reproductrice féminine, à
savoir la gestation. La grossesse peut alors se manifester
dans l’imaginaire culturel sous la forme d’une entité autonome, scindée de son support habituel, la femme. Elle
prend l’aspect d’une bête dont le masque monstrueux
recouvre les pouvoirs féminins occultes et mortifères que
des apprentis sorciers tenteraient de museler ou, au contraire, de s’accaparer. On est ainsi amené à assister au combat entre La femme et sa fonction procréatrice sur lequel
l’épopée Alien jette les pleins feux. Lors du deuxième épisode, l’héroïne, Ripley, va devoir se battre face à face avec
la reine alien pour l’empêcher d’inséminer une petite fille,
Newt, seule survivante d’une planète infestée par ces créatures que des terriens avaient tenté de coloniser. Ripley
détruit au lance-flamme les centaines d’œufs de la ruche
qui ressemblent à de gigantesques utérus dont l’ouverture
vulve laisse échapper l’organisme intermédiaire destiné
à inséminer les hôtes porteurs placés à sa portée. Ripley
est obligée de dégager Newt de la chrysalide visqueuse
qui l’enserre alors que l’œuf située face à elle est prêt à
éclore. Elle prévient ainsi l’entrée précoce de la fillette dans
la puberté, en l’empêchant d’être possédée par les forces
génésiques féminines.

L’identification de Ripley avec la petite fille ne fait
aucun doute et nous en aurons confirmation plus tard. Au
cours de ce second épisode, Newt explique que sa maman
lui disait toujours que les monstres n’existaient pas. Or,
au cours du dernier épisode, Alien, la résurrection, c’est la
voix de Ripley, clonée et enceinte d’une petite reine, qui
énonce ces mêmes paroles. Et l’épisode précédent, Alien 3, s’ouvre sur l’intérieur de la navette où Ripley et Newt sont
en hypersommeil avec, face à elles, un œuf d’alien entrain
d’éclore laissant présager l’insémination mortelle qui les
guette toutes deux. De fait, lorsque la navette est récupérée quelque temps plus tard, Newt est morte et Ripley est
enceinte. Elle se retrouve dans une prison intergalactique.
Les prisonniers ont un double chromosome Y, particularité associée à la nature des crimes qu’ils ont commis: viols
et/ou assassinats sauvages de femmes et de fillettes. Ils
apprendront à leur dépens qu’ils se sont trompés de cible:
les femmes ne sont que le véhicule de cette chose atroce
qu’est la reproduction naturelle personnifiée par Alien.
Or les femmes sont à même, lorsqu’elles sont initiées, de
sacrifier la puissance susceptible de les posséder. Ripley
le démontrera en se jetant dans de l’acier en fusion pour
sceller avec elle dans ce chaudron infernal la chose qui
jaillit de sa poitrine. Elle combine alors la figure christique
– elle se précipite les bras en croix – et celle de la Madone
à l’enfant en étreignant la reine qui tente de s’échapper de
sa poitrine. Le Christ et sa mère, la vierge, sont tous deux
issus d’une conception miraculeuse où la surnature, Dieu,
et non la Nature, est seule en cause. Bettina Rheims et
Sigourney Weather sont sur la même longueur d’onde.

La saga Alien est l’allégorie d’une initiation féminine sous-tendue par l’idée selon laquelle les femmes
doivent apprendre à juguler elles-mêmes leur puissance
maternelle pour se libérer de l’héritage abject qu’Eve, la
première femme, leur a légué. Les scénaristes de films
de science-fiction usent souvent d’une trame initiatique
empruntée aux matériaux ethnographiques pour rendre
compte de la trajectoire de leurs héros; ils l’adaptent à
l’idéologie occidentale en utilisant des métaphores, des
condensations symboliques. Les initiations masculines et
féminines qui ont cours dans les sociétés dites traditionnelles, afin de faire passer les enfants du statut d’enfant à
celui d’adulte, comportent généralement trois phases (Van
Gennep 1909). La première dite de séparation consiste à
extraire les jeunes gens de leur milieu habituel: lorsqu’il
s’agit de garçons, on les entraîne en général hors du village, en brousse ou en forêt, dans une zone non domestiquée, réputée sauvage; lorsqu’il s’agit de filles, on tend
plutôt à les isoler dans un endroit qui jouxte le village ou
dans une pièce de réclusion qui peut être incluse dans la
maison familiale (Moisseeff 1992, 1995). La deuxième
phase dite de marge se déroule dans ce lieu de réclusion et
peut durer de plusieurs jours à plusieurs années; dans cet
espace «hors société», les jeunes gens vont subir bon nombre d’épreuves censées les transformer. La dernière étape
dite d’agrégation consiste à les réintroduire dans la société
ordinaire avec un statut nouveau d’homme ou de femme
adulte habilité à se marier et à avoir des enfants.
Considérons la trame du scénario d’Alien:

Une jeune femme est extraite de son milieu habituel – la terre –, pour être immergée dans un environnement sauvage, non domestiqué – l’espace intergalactique –, où elle doit affronter bon nombre d’épreuves qui
la confrontent à la part de la féminité à laquelle elle n’a
pas encore accédé: la maternité qui la terrifie et qui revêt, pour elle, la forme hideuse d’un monstre. Elle est toutefois conduite à l’assumer progressivement: au cours des
quatre épisodes, elle est successivement mère nourricière
d’un chaton, mère adoptive d’une fillette, génitrice d’une
femelle puis d’un mâle non humains. Elle finira ainsi par
incorporer la part animale qui la consacre femme. Elle
devra pour cela subir l’épreuve ultime, la mort, pour renaître de ses cendres totalement métamorphosée, encore plus
forte et féminine qu’avant. Elle est alors à même de terrasser définitivement le dragon maternel, ce qui l’autorise
à réintégrer la société humaine en revenant sur terre.

Les initiations masculines et féminines qui ont
cours dans d’autres contextes culturels, ceux-là bien réels,
légitiment l’accession des individus à un rôle procréateur
qui les fait passer du statut d’enfant à celui d’adulte habilité
à devenir parent (cf. Moisseeff 1992, 1995, 1998). L’initiation de l’héroïne d’Alien, en revanche, la conduit à forclore
son rôle maternel: elle l’incorpore, certes, mais pour mieux
le faire taire en tuant la progéniture qu’elle a elle-même
générée. On précisera ici que le symbolisme de la mort et
de la renaissance de l’héroïne, si dramatiquement mis en
scène au cours des deux derniers épisodes d’Alien, est, dans
ces autres contextes culturels plus traditionnels, le propre
de l’initiation masculine: grâce à cette épreuve, les hommes sont transformés en garants de la fertilité féminine.
On voit donc que si l’enjeu des initiations traditionnelle
et utopique concerne bien le devenir de la fonction reproductrice, le traitement qu’elles en font va dans des sens
inverses (Moisseeff 2003 a et b): dans un cas, il revient
aux hommes, les initiateurs masculins, de favoriser l’expression de la maternité, dans l’autre, c’est à la femme de la
forclore. Cette inversion symbolique reflète à merveille la
transformation des relations entre les sexes qui est entrain
de s’opérer dans les sociétés occidentales modernes: il ne
s’agira pas tant pour la femme postmoderne personnifiée
par la star de cinéma Sigourney Weather d’assumer une
fonction maternelle imposée par les hommes que de participer, en tant que commandante en chef, à sa maîtrise. Les
femmes sont perçues comme les héros des temps futurs
qui seront à même de dompter la reproduction.

Le monstre d’Alien symbolise l’altérité fondamentale qui oppose les sexes féminin et masculin sur le plan de
la reproduction. La grossesse dont la femme a l’exclusive
est présentée sous la forme d’une infestation susceptible
d’anéantir une humanité ayant atteint le plus haut degré
d’évolution technologique. Elle est perçue comme une
force organique à nul autre pareil qui investit aujourd’hui
le corps féminin mais pourrait bien, à l’avenir, être transformée, grâce à la technologie la plus sophistiquée, à savoir
la biotechnologie, en arme biologique suprême qui métamorphoserait l’ennemi en esclave reproducteur, totalement
asservi aux besoins de se reproduire de ceux qui en useraient. Dans cette mythologie, et à la différence des films
d’aventure américains classiques du type Western, l’ennemi
ne cherche pas à défendre son territoire mais à envahir
celui des autres: la terre et, plus spécifiquement, le corps
des humains qui l’habitent. Les différentes significations
que recouvre le terme alien dans le vocabulaire anglo-saxon
indiquent sans équivoque l’altérité redoutable à laquelle
l’ennemi des films de science-fiction et d’horreur contemporains confronte ses protagonistes: «hostile; inacceptable
ou répugnant; différent ou séparé; étranger; censé être rattaché à des êtres appartenant à d’autres mondes; spécimen
venant d’ailleurs qui a été introduit et s’est acclimaté à son
nouvel habitat» (The concise Oxford Dictionary, ma traduction). Dans le premier épisode de la saga Alien, il est décrit
comme un «organisme parfait» «qui a des capacités d’adaptation extraordinaires» et dont la «perfection n’a d’égale
que son hostilité», «un survivant qui n’est pas souillé par
la conscience, le remords ou les illusions de la moralité».

Je postulerai ici que ce survivant est la grossesse,
symbole de la viviparité, ce processus rejeté aux marges
de la civilisation dans l’utopie d’Huxley et dans la conscience populaire, comme l’illustre la prose du journaliste
de Télérama.

Malthus et Darwin: deux précurseurs de la science-fiction comtemporaine

La théorie darwinienne de l’évolution accorde une importance toute particulière aux modes de reproduction dans la classification et l’ordonnancement des espèces les unes par rapport aux autres: on passe des espèces inférieures – insectes, poissons, etc. – qui pondent des millions d’œufs, aux mammifères inférieurs qui engendrent plusieurs individus par portée, puis aux mammifères les plus évolués que sont les primates qui n’ont, en règle générale, qu’un enfant par portée. Le grand-père de l’écrivain Aldous Huxley (1894-1963), Thomas Huxley (1825-1895), fût un ami et un ardent défenseur de Darwin. Il a contribué, tout comme son petit-fils ultérieurement, et quoique sur un mode différent, à la diffusion et à la popularisation des idées darwiniennes. De fait, les Occidentaux du XXe siècle ont intégré le fait que plus une espèce est évoluée sur le plan biologique, moins elle procrée et ils tendent à conceptualiser les différences culturelles selon le même schéma. Le degré d’évolution des sociétés est estimé inversement proportionnel à leur taux de fécondité: les plus évoluées sur le plan technologique sont celles qui font le moins d’enfants, les moins évoluées en font le plus et demeurent dans un état de pauvreté incommensurable avec celui des pays industrialisés; ces sociétés sont, par ailleurs, soumises à des régimes totalitaires peu propices à l’expression de la créativité individuelle. Ainsi Huxley, dans Retour au meilleur des Mondes, peut-il écrire, vingt-six ans après la parution de son ouvrage de référence, qu’il existe un lien entre surpopulation et totalitarisme:
«[... ] l’évolution qui conduira de la surpopulation à la dictature en passant par l’agitation, de probable qu’elle était devient virtuellement certaine. On peut parier sans hésitation que dans vingt ans d’ici, tous les pays surpeuplés et sous-développés du globe seront soumis à quelque forme de domination totalitaire – sans doute par le parti communiste.» (1978 [1958]: 21

La démographie galopante des pauvres est, en Occident, un sujet de préoccupation pour les classes privilégiées
depuis la naissance de ce que Foucault (1976) à désigner
par le terme biopouvoir – «une «biopolitique» de l’espèce
humaine» – qui, selon lui, conduit les gouvernants à établir, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les premières
statistiques sur la natalité, la mortalité et la fécondité des
populations dont ils ont la charge. On peut néanmoins supposer que la transformation des mentalités en ce domaine
a précédé, comme il est de règle, la mise en place de nouvelles mesures politiques liées à la conscience des problèmes démographiques. En témoigne le célèbre pamphlet de
Jonathan Swift paru dès 1729, Une Modeste proposition pour
empêcher les enfants des pauvres de devenir un fardeau pour
leurs parents
, où l’auteur suggère avec humour de résoudre
la misère de la surpopulation par l’anthropophagie.

Malthus (1766-1834), en publiant un peu plus tard,
en 1798, son Essai sur le principe de population en tant qu’il
influe sur le progrès futur de la société
, suivi en 1803 par un
exposé de ses effets sur le bonheur humain et les moyens
d’en supprimer les maux, va apporter de l’eau au moulin de
ceux que la prolificité des pauvres inquiète. Son principe
va devenir d’autant plus prégnant qu’il est simple: en l’absence de guerre, de famine ou d’épidémie catastrophique
du type peste, la tendance des populations est de s’accroître de façon exponentielle, en sorte à épuiser
les ressources dont elles ont besoin sur un territoire donné, ce qui les
porte à la conquête d’autres territoires. Darwin explique
dans son autobiographie que la lecture de Malthus lui a
donné la clé de sa théorie de l’évolution. Il en inversera
cependant les propositions en accordant une valeur positive à la prolificité (Serre 1984).
Dans L’Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des
races favorisées dans la lutte pour la survie
, les races favorisées dont il est question
le sont en raison de leurs capacités adaptatives parmi lesquelles leur aptitude à produire
le plus grand nombre de descendants: sur un territoire
donné, la population d’une espèce qui a la démographie la
plus importante tend à éliminer les autres. On comprend
donc que Malthus ait été l’une des muses de Darwin, et
leurs idées à tous deux vont ensemencer le terreau fertile
que sont les cerveaux des scientifiques, des écrivains et des
metteurs en scène.

Cet enchâssement entre savoirs scientifiques et
populaires conduira à ancrer dans l’imaginaire occidental la croyance selon laquelle les besoins d’une population
humaine qui ne cesse de s’accroître finiront par dépasser les ressources terriennes. Les mouvements politiques
malthusiens et néomalthusiens qui se sont développés à
partir du XIXe siècle en apportent la preuve: ils prônent
un contrôle sévère de la reproduction pour assurer la survie de l’humanité et le maintien de sa
capacité à progresser, à évoluer pour le meilleur. En effet, d’après leurs sympathisants,
la prévention des naissances (birth control),
«accompagne naturellement les progrès du niveau de vie et
de la culture» (Faure-Soulet 1996:401). Comme le savent
leurs fans, les auteurs de science-fiction se sont emparés avec grand succès de ces idées. Il serait impossible de citer toutes les œuvres qui s’y rapportent. Mentionnons,
à titre d’exemples: les romans de Brunner, Tous à Zanzibar, Stand on Zanzibar, 1968, de Panshin, Rite de Passage,
1968, de Orson Scott Card, La stratégie Ender, Ender’s
Game
, 1977; les films de Richard fleisher, Soleil vert, Soylent Green, 1973, et de Michel Anderson, L’Âge de cristal,
Logan’s Run
, 1976. Toutefois, Huxley a certainement été le
premier à extrapoler jusqu’au bout la singularité de la perspective occidentale sur la reproduction. Ce n’est pourtant
que dans le courant des années soixante que le problème
de la surpopulation a refait surface dans la conscience politique générale. D’après Clute et Niholls (1995: 901), deux
livres majeurs, qui ne sont pas de la fiction, vont contribuer à en populariser l’enjeu: d’une part, The Population
Bomb
de Paul Ehrlich (1968) et, d’autre part, The Limits of
Growth: A Report for the Club of Rome’s Project on the Predicament of Mankind
de D.H. Meadows et al (1972).

L’idéologie occidentale moderne, sous-tendue par
les principes de Malthus et de Darwin, amènent les Occidentaux à percevoir les peuples prolifiques comme inféodés
aux nécessités de la reproduction biologique, c’est-à-dire
comme étant restés plus proches de l’animalité (Moisseeff
à paraître, 2003, 2000). Mais en même temps, en raison de
l’insuffisance de leur taux de fécondité, ils ont besoin des
migrants issus de ces populations qu’ils jugent moins évoluées pour assurer le renouvellement des générations dans
leurs propres sociétés. La crainte que le métissage d’individus soi-disant situés à des paliers différents de l’évolution n’entraîne la dissolution des Blancs hypofertiles et/ou
leur régression à un stade plus animal explicite la violence
des images produites dans les films qui métaphorisent les
rapports entre «races» distinctes symboliquement assimilées à des espèces différentes: dans les différents épisodes
d’Alien, les hommes et les femmes infestés sont transformés en chrysalides qui explosent pour donner naissance
à une progéniture ayant les traits d’un animal archaïque [ [Bien qu’Alien partage avec divers insectes – fourmi, araignée, mante empusée –, un certain nombre de caractéristiques morphologiques, physiologiques ou d’organisation sociale, sa silhouette générale évoque le squelette d’un dinosaure, c’est-à-dire d’un animal préhistorique ayant disparu depuis longtemps. Dans les films d’horreur ou de SF, le recours à des espèces préhistoriques, et tout particulièrement à des reptiles géants, signale la résurgence dangereuse d’un caractère archaïque, c’est-à-dire le risque d’involution ou d’extinction qu’elle fait peser sur l’humanité. De ce point de vue, le fait que la petite fille du second épisode d’Alien s’appelle Newt, petite salamandre en anglais, n’est sûrement pas anodin: certes la salamandre n’a pas disparu mais elle est rangée parmi les animaux très anciens et ceux du bestiaire fabuleux. Sa peau sécrète en outre une humeur très corrosive qui évoque étrangement celle des aliens. ]].

Dans le film de Richard Donaldson La Mutante (Species,
1995), l’hybride issue du mélange d’un ADN extraterrestre avec de l’ADN humain, se transforme en animal ayant de nombreux traits communs avec l’insecte lorsqu’elle tombe enceinte.

Des humains et des insectes à Hollywood

Les œuvres de science-fiction présentent une synthèse simplifiée et imagée des théories scientifiques relevant de disciplines différentes – la biologie, la génétique, l’astronomie, la physique, l’anthropologie, etc. –, les rendant accessibles à un large public de non avertis. Ce faisant, elles sont à même de révéler l’idéologie qui les sous-tend, c’est-à-dire les croyances qui sont, entre autres, censées expliquer les différences entre les sexes, les espèces et les cultures. Les scénaristes américains sont particulièrement doués pour représenter sous forme métaphorique l’idéologie occidentale contemporaine: ils symbolisent les rapports sociaux actuels, et non ceux du futur, comme le sous-entend une interprétation simpliste de la science-fiction. En prétendant évoquer l’avenir de l’humanité, ils s’émancipent d’un réalisme contraignant et
privilégient la puissance évocatrice des images. Les humains terriens évolués
type sont personnifiés par les Américains, parangon des
Occidentaux, leurs ennemis par les membres d’une autre
espèce, souvent incarnés par des insectes parasites géants et
prolifiques, au développement accéléré. Cette autre espèce
sert à figurer l’Autre, le moins évolué ou, au contraire,
comme nous le verrons, celui qui a dépassé le stade évolutif humain, ce qui l’aurait fait chuter à nouveau du côté de
la société animale qui bannit toute émotion. Dans les deux
cas, l’individu constituerait une infime partie de la collectivité à laquelle il serait organiquement rattaché tel un
organe périphérique dont l’existence ne se justifierait que
pour la survie du tout auquel il pourrait être sacrifié. Ainsi,
dans le premier épisode d’Alien, l’ordre de la compagnie
commerciale à l’androïde superintelligent qu’elle a envoyé
dans l’espace comme officier scientifique, est-il de ramener sur terre l’organisme alien, fusse au prix du sacrifice de
l’équipage: «tout autre considération est secondaire», lui
signifie l’ordinateur du bord. Ses employeurs qui appartiennent à une civilisation superévoluée des temps futurs
ont pour unique objectif de vendre cette arme biologique
au service de la défense, des militaires, le plus offrant.

Les insectes sont à même de renvoyer aux différentes
caractéristiques qui inspirent tant d’horreur aux Occidentaux: la pullulation, le grouillement et, comme nous allons
le voir plus loin, le parasitisme et la supermaternité. Leur
capacité d’adaptation, rapportée à leurs formes larvaires qui
leur permettent de peupler tous les milieux et d’y proliférer, rendrait compte de leur ancienneté et de leur perpétuation en dépit des changements climatiques ou environnementaux. Ne dit-on pas qu’elles seraient les seules espèces
à survivre à une catastrophe nucléaire, tout comme elles
ont survécu, sans avoir subi de grands changements morphologiques, à celle qui a suivi la chute de météorites dans
le passé? D’où la fascination pour ces espèces, redoublée
par la description de leur organisation sociale en termes
anthropomorphiques – une reine pondeuse, des ouvrières et/ou des guerriers, des nourrices –, les rendant symboliquement comparables aux sociétés humaines. Or leurs
activités sont présentées comme essentiellement orientées
vers la reproduction. D’où les thèses des sociobiologistes
dont le premier représentant est Wilson, un entomologiste:
les comportements des individus, qu’ils soient agressifs ou
altruistes, dans les sociétés humaines aussi bien qu’animales, obéissent à une même loi fondamentale, diffuser ses
propres gènes d’une façon aussi large que possible.

Vues sous cet angle, les relations entre les individus
ou entre les populations d’une même espèce – désignées
communément en biologie comme des races – sont uniquement fondées sur la compétition pour l’occupation d’un
même territoire. Il devient alors symboliquement possible de représenter, d’une part, les différences entre «races»
humaines – c’est-à-dire les différences morphologiques et/
ou sociologiques des divers groupes humains – comme des
différences entre espèces en compétition pour les besoins
de leur espace vital, et, d’autre part, leurs continents d’origine respectifs – le Nord, le Sud, l’Est, l’Ouest – comme des
planètes distinctes. La fécondité des unes, qui les pousse à
émigrer car elle tend à appauvrir leurs ressources natives, est
transformée en arme biologique. L’intelligence des autres,
les hypofertiles, en est une autre, et son accroissement est
proportionnel à la diminution de leur fécondité: elle compense leur handicap démographique et les incite à user
parfois d’autres armes biologiques telles que l’infestation,
à l’instar des parasites et des virus. Considérons quelques
exemples de ce type de symbolisation.

Au tout début de Starship Troopers, le film de Paul
Verhœven sorti en 1998, dont le scénario a été écrit à partir
du roman de Heinlein (1959), un professeur explique à ses
élèves que «les insectes (bugs) sont supérieurs aux humains
car ils se reproduisent en grande quantité et n’ont pas de
moi». Nous apprenons également que les arachnides sont
devenus «capables de coloniser d’autres planètes». L’humanité est menacée par les arachnides géants de la planète K
qui ont atteint un niveau de surpopulation telle qu’il leur
faut conquérir d’autres territoires. Ils envoient, à cet effet,
des astéroïdes sur terre qui tuent les populations par millions. Ils sont dirigés par un chef de meute qui a l’allure
d’un gigantesque acarien muni d’une bouche vulve glaireuse d’où sort un dard avec lequel il est capable d’aspirer
le cerveau des humains venus combattre son espèce; il est
alors capable d’analyser et de s’approprier leurs pensées.
Fort heureusement, les jeunes soldats, hommes et femmes,
vont exterminer cette espèce qui vise à émigrer. Les images du film rappellent à s’y méprendre celles des reportages sur la guerre du golfe... Gageons que Verhœven s’en
est inspiré et a substitué aux soldats irakiens qui avaient
envahi le Koweït, des insectes géants colonisateurs. La
phrase prononcée par l’un des jeunes héros au moment où
son cerveau va être aspiré par le chef des arachnides apparaît, de ce point de vue, prophétique pour Saddam Hussein et George W. Bush, et leurs populations: «Tu verras,
un type comme moi viendra bientôt et te tuera toi et tous
tes putains d’insectes!»

Dans X-tro, un film de Harry Bromley Davenport
(1983), un père qui a été kidnappé par des extraterrestres
trois ans auparavant revient sur terre pour chercher son
fils. Entre-temps, il fécondera à nouveau son ex-femme et
transformera la baby-sitter de son fils en chrysalide d’où
s’échapperont des dizaines et des dizaines d’œufs qui donnent naissance, dans les jours qui suivent, à un bataillon
de petits garçons. Lorsqu’il atterrit subrepticement dans
la nuit, il a la forme d’un insecte, un genre de phasme ou
de grosse sauterelle qui, pour reprendre figure humaine et
atteindre à ses fins, provoque son auto-engendrement. Il
infeste une pauvre femme qui meurt dans d’atroces souffrances avant que le jour ne se lève lorsqu’il sort d’elle sous
la forme d’un homme adulte. Il coupe lui-même son cordon ombilical et se nettoie, fin prêt pour aller inséminer
les femmes qu’il trouvera sur son passage. Le héros de La
mutante II
(Peter Medak, 1998), dont les gènes ont été
infiltrés par de l’ADN martien, lui aussi, ne cesse d’inséminer les femmes avec lesquelles il ne peut s’empêcher de
faire compulsivement l’amour; leurs ventres explosent en donnant naissance à de petits garçons déjà grands dont la
destinée est de se substituer aux humains qu’ils ont vocation à infester en engrossant leurs femmes. Ici encore,
les migrants de l’espace évoquent ceux bien plus réels de
l’Est et du Sud à la fertilité menaçante. Sinon pourquoi les
organismes internationaux dépenseraient-ils tant d’énergie
pour inciter les Orientaux et les Africains à maîtriser la
fécondité de leurs femmes? Pourquoi insisteraient-ils avec
tant de véhémence sur les dangers que les hommes de ces
populations font courir à leurs femmes en leur refusant la
contraception ou la stérilisation que les mâles occidentaux
sont prêts à leur offrir si obligeamment?

L’enfant venu d’ailleurs et l’homme parasite

La saga Alien est un des nombreux avatars hollywoodiens de La Chose d’un autre monde de Christian
Nyby et Howard Hawks, sorti en 1951, sans doute premier prototype du genre, suivi par L’Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel en 1956; Carpenter en
fait un remake en 1982 (La Chose), trois ans après la sortie
du premier épisode d’Alien (1979). Dans les années cinquante et soixante, c’est-à-dire au temps de la guerre froide
et en plein Maccarthysme, cette chose répugnante incarne
à merveille le péril communiste, l’éventualité d’une invasion par les gens de l’Est. Mais il est maintenant temps de
reconnaître que, sous couvert d’exprimer le danger représenté par l’invasion d’une espèce extra-terrestre, ce type de
monstre est le masque hideux qui sert, plus fondamentalement encore, à désigner, dans l’Occident moderne qui se
veut émancipé des contraintes biologiques, l’aspect inhumain, bestial, invasif, en un mot parasitaire, de la procréation naturelle (cf. Moisseeff, à paraître b, 2003 a et b, 2000
a et b). Pour corroborer cette perspective, je rappellerai que
l’un des enjeux de la recherche médicale contemporaine
est de rendre compte du mystère du développement dans
le corps maternel d’un corps étranger (alien): le bébé.

Cette façon de concevoir le bébé comme étranger,
parasite prenant possession du corps maternel, transparaît dans bien des œuvres de science-fiction écrites par des
maîtres du genre: Les Amants étrangers, nouvelle (1952)
puis roman (1961) de Farmer (voir Moisseeff, à paraître
b); The midwitch cuckoos, le roman de John Wyndham mis
en scène sous le titre Le village des Damnés, en 1960 par
Wolf Rilla, puis en 1995 par John Carpenter; The Stranger within, un film de Matheson sorti en 1974, Matheson
ayant préalablement écrit une petite nouvelle terrifiante sur
le thème du monstre que peut engendrer une femme,
de l’homme et de la femme
, paru en 1950, c’est-à-dire juste
un an avant la parution de The Puppet Masters de Heinlein.
Dans ce dernier roman qui sera mis en scène en 1994 par
Stuart Orme, des aliens, des créatures extraterrestres ayant
la forme de grosses limaces, tentent de subordonner l’espèce humaine en se branchant sur le système nerveux des
individus qu’ils prennent pour hôtes afin de contrôler leur
corps et leurs pensées, les transformant en marionnettes
décérébrées, c’est-à-dire sans volonté propre.

The Puppet Masters a, sans nul doute, inspiré non
seulement les séries télévisées à succès Les Envahisseurs
(1967-1968) de Larry Cohen, X-files (1993-2002) de
Chris Carter, et first Wave (1998-2001) de Chris Brancato et Francis Ford Coppola, mais il est aussi, plus que
probablement, à l’origine de la création des Goa’ulds, les
parasites extraterrestres de la série Stargate SG - 1 (qui a
démarré en 1997 et qui se poursuit encore [2]). Les Goa’ulds
utilisent les humains des divers mondes comme hôtes porteurs au travers desquels ils s’incarnent et qu’ils transforment ainsi en esclaves depuis la nuit des temps: leur intelligence supérieure leur aurait permis de développer une
technologie extraordinaire dont seraient issues les pyramides d’Egypte et l’art maya... L’idée originale d’Heinlein est également reprise dans un épisode de chacune des
deux séries cultes créées par Joss Whedon à l’intention des
adolescents, Buffy contre les vampires (1997-2003) et Angel
(1999-2004), respectivement «Œufs surprises» et «Grossesse express».

Dans Le village des damnés, toutes les femmes en
âge de procréer d’un petit village anglais paisible sont mystérieusement inséminées en même temps, y compris les
vierges, les stériles et celles dont le mari était absent. Les
enfants qui naissent de cette conception asexuée inexplicable sont tous semblables, blonds aux yeux bleus, d’une
intelligence supranormale et usent de la télépathie pour
communiquer entre eux et pour lire dans les pensées de
ceux qui sont susceptibles de leur nuire. Ils sont dépourvus
de toute émotion et ne ressentent aucun amour pour leurs
parents adoptifs qu’ils punissent sans vergogne, de même
que les autres adultes cherchant à leur barrer la route. Ils
usent alors de leur regard et de leur capacité télékinétique
(pouvoir de déplacer les objets à distance). Ils constituent
ensemble une seule et même entité, une sorte d’essaim
venu de nulle part dont l’objectif est simple: utiliser les
femelles humaines comme mères porteuses car leur espèce
a perdu la capacité de se reproduire par elle-même, et supplanter à terme une humanité qu’ils méprisent car ils la
jugent très inférieure à eux.

Wyndham, comme la plupart des auteurs de SF,
manie superbement la métaphore et l’auto-réflexivité. Les
mâles occidentaux, au moment de leur expansion vers
des territoires inconnus dont ils ont indûment pris possession, lors des grands mouvements de conquête coloniale, ont été à même d’engrosser les femmes de «races»
qu’ils estimaient inférieures; de même qu’ils utilisent
aujourd’hui leur pouvoir de reproduction, soit pour augmenter leur propre démographie défaillante, soit pour
pratiquer l’adoption à l’étranger, un étranger nécessairement situé dans le tiers monde. Une simple transposition permet alors d’imaginer qu’une espèce encore plus
évoluée, ayant donc perdu toute capacité à se reproduire
par elle-même, pourrait faire subir le même sort aux terriens les plus évolués. Toutefois, si l’émancipation de cette
espèce vis-à-vis de la reproduction permettrait à ses représentants d’atteindre une intelligence supérieure, la perte
du lien intime entre enfants et parents leur ferait simultanément perdre leur aptitude à aimer et à ressentir des émotions: tout comme la créature dans Alien, ce seraient
des organismes dépourvus de moralité qu’aucun remords
ne pourrait faire reculer.

On peut repérer dans cette trame narrative la
croyance occidentale que j’ai évoquée auparavant: moins
on est directement impliqué dans le processus reproducteur, plus on est à même de développer son intelligence et
sa technologie (les vaisseaux spatiaux et le mode de reproduction asexué adopté par les extraterrestres en témoignent). De ce point de vue, l’amour maternel assimilé à
une pulsion instinctive, naturelle est un handicap. Mais les
moralistes que sont souvent les auteurs de SF tendent à
rappeler qu’il est important de maintenir un équilibre entre
l’intelligence et les émotions si l’on ne veut pas retomber
du côté de la société animale qui ignore toute notion d’individualité: s’il est indispensable de maîtriser la reproduction pour accéder à une spiritualité d’ordre supérieur, il est
néanmoins crucial de ne pas la bannir entièrement pour
préserver les sentiments au risque de tomber dans un système totalitaire de type nazi ou communiste. Un risque
auquel a succombé la race des seigneurs: les blonds aux yeux
bleus du Nord et de l’Est de l’Europe. Cette éventualité
renvoie au péril menaçant une humanité ayant atteint les
cimes de son évolution, celui de retomber du côté de la
société animale. Ici encore Huxley est un précurseur:

«La civilisation est, entre autres choses, le processus
par lequel les bandes primitives sont transformées en un
équivalent, grossier et mécanique, des communautés organiques d’insectes sociaux. A l’heure présente, les pressions
du surpeuplement et de l’évolution technique accélèrent
ce mouvement. La termitière en est arrivée à représenter
un idéal réalisable et même, aux yeux de certains, souhaitable.» (1978 [1958]: 36)

Dans la cosmologie occidentale moderne, ontogenèse, sociogenèse et phylogenèse, c’est-à-dire le développement respectif des individus, des sociétés et des espèces,
procèdent d’une conception cyclique, quasi saisonnière,
de l’évolution des phénomènes: de même que l’automne
et l’hiver succèdent de manière inéluctable à l’explosion
de la fertilité printanière et à l’épanouissement estival de
la maturité des êtres qui en émergent, le déclin suivrait
irrémédiablement l’apogée des destins. De même que la
sénilité et la stérilité sont les processus normaux qui suivent l’accession à une maturité féconde chez l’individu, de
même la décadence est censée suivre l’apothéose des civilisations dans le portrait stéréotypé qu’en font les auteurs
de l’histoire universelle, en passant par l’Egypte, la Grèce,
Rome, les empires chinois, ottoman, américain, pour prophétiser le proche déclin de l’Occident (Spengler, 1923).
Il en irait pareillement de l’évolution des espèces et des
planètes: après avoir atteint un certain équilibre, les unes
et les autres sont destinées à involuer jusqu’à s’éteindre
comme les étoiles du firmament qui ne sont que les traces
des entités aujourd’hui disparues qu’elles furent, à l’instar des fossiles. L’émergence de nouveaux phénomènes
est au prix de la disparition de ceux qui les ont précédés:
nous ne sommes que des poussières d’étoiles, de futurs
dinosaures destinés à retomber dans l’oubli et le silence des grands espaces où nous resurgirons sous une forme
totalement différente. 2001, l’Odyssée de l’espace illustre
admirablement cette perspective quant à l’involution et à
la métamorphose que nous sommes voués à subir en tant
que véhicules des grandes forces cosmiques et génétiques
(Clarke, 1968; Dumont et Monod, 1970).

Dans The Stranger within et ses avatars plus récents,
tels que Progeny (Brian Yuzna, 1998) ou l’intrigue qui
sous-tend les deux dernières saisons d’X-files, les héroïnes,
respectivement Ann, Sherry et Dana Scully, sont inséminées grâce à l’intervention d’extra-terrestres alors qu’il leur
était a priori impossible d’enfanter: le mari d’Ann a subi
une vasectomie afin d’éviter toute grossesse à son épouse
car leur dernière tentative pour avoir un enfant a failli la
tuer; Dana Scully et le mari de Sherry sont, eux, stériles.
Leurs bébés se développent d’une façon accélérée et ont
des capacités supranormales dont ils se servent pour communiquer avec leur mère, l’incitant à les défendre contre la
malveillance de ceux que ces grossesses anormales inquiètent. Ces bébés naîtront envers et contre tout en semant
le désespoir autour d’eux.

«Grossesse express» («Expecting»), l’épisode du
feuilleton Angel qui reprend le thème de la grossesse
extra-humaine, est une parodie de The Stranger within: un
«démon en mal de paternité», «procrea parasitic demon»,
soudoient des jeunes gens sans scrupule afin qu’ils inséminent avec sa semence démoniaque de belles jeunes filles
humaines. La puissance de cette semence est telle qu’elles
tombent immédiatement enceintes d’au moins sept bébés
chacune qui se développent à la vitesse de l’éclair, au péril
de la vie de leurs mères porteuses. Les bébés communiquent avec elles par télépathie les enjoignant à les défendre contre ceux qui veulent les éliminer. Au moment de
mettre au monde leur engeance satanique, elles se dirigent
toutes vers le père qui espère pouvoir lever une armée pour
détruire l’humanité. Fort heureusement, Angel, le vampire
pourvu d’âme, et son acolyte, Wesley, détruisent le méchant
invincible – le feu et la décapitation sont inopérants sur
lui – en le faisant exploser en mille morceaux après avoir
provoqué sa congélation grâce à de l’azote liquide.

Dans l’épisode de Buffy contre les vampires intitulé
«Œufs surprises», un parasite préhistorique ayant l’aspect
d’un utérus gigantesque se développe dans les sous-sols
du collège où il y pond ses œufs de manière ininterrompue telle une reine insecte pondeuse. Ses œufs sont distribués aux élèves par un professeur pensant leur donner
d’inoffensifs œufs de poule pour qu’ils en prennent soin.
Malheureusement, chacun contient, en guise de poussin,
un animal monstrueux, une sorte de gros scorpion qui,
une fois éclos, se faufile dans le dos de sa maman ou de
son papa d’adoption qu’il transforme en automate. Buffy
découvre dans un livre consacré à la créature le principe de
cette vampirisation: «Les rejetons s’agrippent sur un organisme d’accueil – toute personne se trouvant à leur portée au moment de l’éclosion – prenant le contrôle de ses
fonctions motrices grâce à leurs neurones de contact.» Ces
bébés-parasites métamorphosent leurs hôtes porteurs en
robots uniquement dévoués aux soins à donner aux œufs et à leur mère naturelle, prêts à tuer pour les protéger.
Une fois inoculés, les individus prennent le chemin qui les
mène, à partir d’une ouverture-vagin creusée dans les sous-sols, vers la mère archaïque auprès de laquelle ils s’affairent
tels des fourmis ouvrières récoltant les œufs d’une reine
pondeuse, en ayant perdu toute capacité à penser par eux-mêmes. Fort heureusement, Buffy, elle, a poignardé son
«bébé» avec une paire de ciseaux et elle pourra ainsi vaincre la force maléfique maternelle: elle détruit l’utérus géant
à la hache après s’être immiscée en lui. Chacun reprend
alors ses esprits. Au cours du même épisode, la maman de
Buffy évoque les pensées qui lui viennent concernant la
responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants: «Ils
ne sont pas un fardeau mais... quoique que j’ai bien envie
de dire fardeau!»

On remarquera alors que, dans les sociétés occidentales actuelles, les enfants tendent effectivement à être
qualifiés de «chronophages», c’est-à-dire comme consommant de façon éhontée le temps et l’énergie de leurs
parents, et tout particulièrement de leur maman, la métamorphosant en esclave totalement dévouée à son petit. [3]

A ce point de l’analyse, il est utile de rappeler que, dans
les plus éminents laboratoires de biogénétique, une nouvelle théorie a vu le jour: les mâles seraient des parasites
se servant des femelles pour reproduire leurs gènes car ils
en sont, à eux seuls, incapables, tout comme les parasites et les virus (Gouyon 1995). Il est donc difficile de ne
pas établir un parallèle entre, d’une part, la figure du mâle
parasite inoculant ses gènes supérieurs aux innocentes victimes que seraient les femelles et, d’autre part, les créatures
malveillantes des films de science-fiction et d’horreur qui
se servent d’hôtes porteurs humains pour prendre corps car
ils sont inaptes à se reproduire entre eux. Du reste, comme
chacun sait, les hommes viennent de Mars (Gray 1992),
une planète chère aux fans de SF et dont le nom évoque le
Dieu de la guerre dans la mythologie gréco-romaine. Les
envahisseurs venus d’ailleurs seraient donc les hommes qui
dissémineraient leur semence sur les différentes planètes.
La fiction rejoint ici la science. Il serait en fait plus juste
de dire qu’elles s’inspirent mutuellement. Ainsi, dans les
années soixante, l’étude des météorites a relancé l’idée de
la panspermie interastrale qui «remonte au philosophe grec
Anaxagore (de 500 ou 428 avant J.-C.)», et qui avait été
abandonnée au décours du XXe siècle; elle explique «l’apparition de la vie sur terre par des germes venus d’autres
planètes.» (Boureau, 1996: 113)

L’aptitude de la femme à pouvoir être fécondée,
parasitée, par une semence qui n’est pas la sienne, c’est-à-dire sa capacité à être une mère porteuse, renvoie aussi à la
possibilité qu’elle soit la voie par laquelle s’incarne le diable ou sa descendance: Rosemary’s baby, le roman de Levin,
1967, porté sur les écrans par Polanski, Omen, le film de
Donner, 1976, suivi par deux autres épisodes en 1978 et
en 1982, Devil’s child de Bobby Roth, 1997, The Sect de
Michele Soavi, 1990, en sont quelques exemples parmi
d’autres. Mais il est également fréquent, dans les films
d’horreur, que cette possession soit montrée au moment
même où elle est rendue possible, c’est-à-dire lors de la puberté des filles. C’est exactement ce qui se passe dans
L’exorciste de William Friedkin (1973): une fille prépubère est «possédée» par des forces démoniaques lorsque
les premiers signes de sa nubilité font leur apparition (elle
devient insupportable, grossière, a des crises de désespoir,
etc.); «le malaise est d’autant plus criant, précise un critique de cinéma, que Satan prend les traits innocents d’une
adolescente de 12 ans», nous conduisant à assister à «la
déshumanisation de tout son corps» (Morice 2001: 58).

On aurait pu penser qu’à l’époque de l’égalité des
sexes, il ne serait plus question d’évoquer le pouvoir de la
femme menstruée dont Aristote parlait déjà en son temps.
Or, tout se passe, au contraire, comme si l’occultation
relative de la spécificité des facultés féminines en matière
reproductive, liée à la symétrisation des rôles et des droits
de l’un et l’autre sexes, faisait rejaillir sur les divers écrans,
de télévision, de cinéma ou de l’échographe, la puissance
que ce pouvoir revêt au plan imaginaire. Il est rapporté,
aujourd’hui comme autrefois, aux «forces de l’ombre», aux
«démons» avec lesquels la femme aurait maille à partir et
qu’il faudrait, sans relâche, exorciser de génération féminine en génération féminine (voir la série pour adolescents
de Joss Whedon Buffy, la tueuse de vampires, 1997-2003).

Les suppôts de Satan, les chevaliers de l’Apocalypse, sont aujourd’hui représentés par les chercheurs en
biotechnologie, ce qu’illustrent de nombreuses œuvres,
parmi lesquels nous nous contenterons de citer le livre
de Robin Cook Mutation, 1989, ou le film de Hamm
Godsend, Expérience interdite, 2004. On relèvera aussi que
ces chercheurs ne dédaignent pas l’aide que peuvent leur
apporter les extra-terrestres (voir, entre autres, X-files).

Des femmes, des insectes et des clones

L’appropriation des pouvoirs féminins par les hommes est une thématique que l’on retrouve au fil des rites et des mythes plus traditionnels. Elle sert alors à justifier la supériorité masculine et leur rôle d’initiateurs pour les garçons et les filles, les hommes et les femmes. Dans la mythologie contemporaine que j’essaie de dégager ici, en revanche, ceux qui tentent de s’accaparer les pouvoirs reproducteurs de la femme (les militaires, les biotechnologistes, les extraterrestres) sont du côté des méchants, celui de Satan et de ses adorateurs. Car l’idéologie occidentale est sous-tendue par la crainte qu’une reproduction incontrôlée, celle du tiers monde, n’aboutisse au remplacement d’une «civilisation» dite évoluée par une autre estimée plus proche de l’animalité. La reproduction renvoie moins à la perpétuation de l’espèce qu’à son anéantissement par surpopulation ou par substitution, une espèce ou une population pouvant en supplanter une autre. En conséquence, la fertilité non maîtrisée des femmes des pays en voie de développement est présentée comme un danger pour l’ensemble de l’humanité. Le malheur, la fatalité renvoie, en Occident, et à la différence de ce qui a cours dans d’autres cultures, non à la stérilité mais à un excès de fertilité.Maîtriser la reproduction des pauvres, en contrôlant le
ventre de leurs femmes, est donc devenu l’un des objectifs majeurs du monde «civilisé». Les films de science-fiction rendent explicite cette idéologie: les monstres procréateurs qu’ils mettent en scène personnifient les étrangers, les aliens, dont les hordes venues du Sud et de l’Est risquent de submerger l’Occident. Et, entre ces monstres et la crainte des jeunes de banlieue perçus comme de potentiels prédateurs, il n’y a peut-être qu’un pas de fourmi géante. On comprend mieux maintenant, je l’espère, pourquoi, les insectes constituent des personnages de choix dans les œuvres que j’ai mentionnées. Leur aptitude à proliférer est rattachée à leur mode de reproduction spécifique qui constitue le thème de nombreux documentaires. Les fourmis et les abeilles y occupent une place de choix. On rappelle les capacités des espèces venues d’Afrique ou d’Amérique du sud à envahir les territoires du nord en remplaçant les espèces natives, moins agressives, plus pacifiques et donc ineptes à la survie face à de telles guerrières, toutes choses qui sont reprises dans les films d’horreur de série B (par exemple, The Savage Bees de Bruce Geller, 1976, ou Legion of fire: Killer ants, aussi connu sous le titre Marabunta, de Jim Charleston et George Manasse, 1998). On met également bien en évidence le rôle de la femelle reproductrice, pondeuse, la «reine-mère» et de l’aspect particulièrement cruel de sa fonction (voir le dessin animé Fourmiz, Antz, de Paul Dix, 1998).
La figure de la reine pondeuse, esclave du processus reproducteur de son espèce, va servir de référent pour symboliser la part de liberté dont sont privées les femmes par rapport aux hommes en raison du rôle qu’elle assument seules au cours de l’enfantement. Or, c’est bien parce que la reine des insectes assume seule la reproduction de sa ruche qu’elle va jusqu’à perdre les caractéristiques morphologiques habituelles des autres membres de son espèce: son abdomen distendu devient gigantesque en regard du reste de son corps. Les scénaristes vont focaliser leurs projecteurs sur la métamorphose monstrueuse que subit la femelle insecte lorsqu’elle assume son rôle reproducteur. Ainsi, dans le dernier épisode d’Alien, la résurrection, le spectacle de l’accouchement de la reine alien qui a acquis, grâce à son hybridation avec une femme, le lieutenant Ripley, un système reproducteur complet lui permettant de mettre elle-même au monde sa progéniture sans passer par des organismes hôtes, est affligeant. Tout est mis en œuvre pour révéler l’aspect monstrueux de l’enfantement par voie «naturelle» et utérine. La reine gît sur son lit de douleur composé de matières gluantes quasi-excrémentielles, «une mare pestilentielle» (Crispin & Whedon 1997: 261): «(… ) un cri retentit encore plus perçant que les autres (… ). Le ventre de la reine entra en expansion (… ). Ripley (… ) regardait la reine se débattre et hurler dans la fange et le mucus, et cette parodie obscène de ce qu’elle avait elle-même vécu lui donnait des nausées. (… ) le ventre enflé ondoyant, les déchirements épouvantables, la pression inexorable. La reine (… ) beugla et essaya de se lever de son lit fétide. Brusquement un jet de sang jaillit tel un geyser du ventre de la reine. La femelle hurla encore (…)La créature qui se contorsionnait s’effondra dans l’immonde bourbier (… ) Il y eut un dernier hurlement, un bruit épouvantable, et le Nouveau-né émergea des confins exigus de l’utérus maternel.» (ibid.: 247-251)

Ce type de mise en scène, sordide en apparence, sert à suggérer que la partie de la femme soumise aux forces génésiques, son utérus, est, comme le pouce du panda, le reliquat devenu inutile d’un stade antérieur de l’humanité. De ce point de vue, le rôle de la femme dans la reproduction exprimerait la persistance de sa part animale la distinguant de l’homme qui, lui, est dépourvu de cet appendice archaïque. Et comme la transformation de la femme en virtuelle procréatrice s’opère à la puberté, écrivains et scénaristes vont pouvoir exercer leur talent en représentant la puberté féminine sous la forme d’un changement radical, d’une véritable métamorphose: la jolie nymphette, une fois possédée par les forces génésiques, prend les traits d’une femelle d’une autre espèce dont le paradigme est l’insecte, la reine pondeuse, révélant ainsi sa vraie nature de monstre archaïque dangereux et mortifère (voir Farmer 1952 et 1961).

Dans cette perspective, un autre aspect du mode de développement des insectes va jouer en leur faveur sur la scène hollywoodienne: les stades successifs par lesquels ils passent pour atteindre leur forme définitive, œufs, larves, nymphes-chrysalides, insecte adulte proprement reproducteur (imago). Cette métamorphose va servir à symboliser la transformation des adolescents au cours de la phase pubertaire, c’est-à-dire leur passage d’un état stérile à un état fertile. Ainsi, dans La Mutante (Species), le scénariste fait correspondre la phase pubertaire d’une alien issue d’un ADN extraterrestre à son passage par un état de chrysalide d’où s’échappe une reproductrice pleinement développée. La petite fille jusqu’alors inoffensive est montrée, lorsqu’elle accède à sa puissance reproductrice, comme se transformant en une prédatrice cherchant à avoir des rapports sexuels dans l’unique but de se reproduire; elle tue ses partenaires sexuels dès qu’ils ont rempli leur office, telle la mante religieuse et la veuve noire.

La puberté révèle, en quelque sorte, la nature insectoïde de la femme; lorsque ses forces génésiques jusque-là en sommeil s’éveillent et s’expriment, son corps est assimilé à un organisme infesté par des germes de vie, des centaines d’œufs provenant d’un au-delà ou d’un en deçà de l’humain d’où pourraient émerger, lorsqu’ils éclosent, des créatures totalement autres. Après tout, la femme n’enfante-t-elle pas un tout autre qu’elle-même lorsqu’elle met au monde un garçon? C’est ce que met en scène Alien, la résurrection : la reine, en ayant acquis un système reproducteur humain, est à même de mettre au monde le premier mâle de son espèce, un hybride mi-humain, mi-animal. De ce point de vue, l’animalité est, comme l’ADN archaïque mitochondrial, héritée en ligne maternelle: elle passe de mère en fille et est malencontreusement transmise aux fils qui, pourtant, sont tenus à distance du lieu d’incubation de leurs enfants, l’utérus maternel, ce pourquoi on estime fréquemment qu’ils ont un lien privilégié avec le transcendant, la surnature, la technique, c’est-à-dire ce qui aide à maîtriser Mère nature (Moisseeff 1995, 1998).

Mais il est une autre partie particulièrement révélatrice du scénario original de cet épisode dont rendent compte les informations glanées sur internet car elle a, malheureusement, été ultérieurement éliminée. Elle devait suivre les premières images qui montrent l’émergence de la nouvelle Ripley, clonée, à partir de la soupe primordiale d’ADN prélevée dans le chaudron infernal du troisième épisode:
Une vue aérienne d’un champ de blé doré remplissant l’écran et contrastant fortement avec ce qui précédait. Une femme marchant au travers de ce champ, suivie de près par une petite fille à la robe d’été défraîchie. Voix de la fille: «Maman me disait toujours que les monstres, les vrais, n’existaient pas mais ils existent.» La petite fille s’arrête et regarde autour d’elle. Le blé lui arrive à la poitrine et nous comprenons qu’elle ne peut rien voir au-delà. Elle se retourne pour voir la femme mais celle-ci est déjà à cinquante mètres d’elle. L’expression du visage de la fillette reflète sa soudaine perplexité. Elle écrase une bestiole à l’arrière de son cou et la ramène avec sa main où cette vermine charnue se tortille dans tous les sens. Elle a alors l’air encore plus affolé mais ne peut émettre aucun cri. Le son des insectes remplit l’air. Un autre insecte atterrit sur elle, puis un autre et un autre encore. Elle regarde parterre, de plus en plus horrifiée, et voit du sang à ses pieds dont le flot monte jusqu’à submerger le champ de blé, une mer de sang noir et épais. La fillette essaie encore de crier, lève les bras en l’air (comme pour se protéger). Elle est maintenant entièrement couverte d’insectes, un linceul noir et palpitant qui recouvre son corps, et quand elle crie enfin, la nuée se précipite dans sa bouche.

Il est évidemment difficile de ne pas voir ici la représentation symbolique du traumatisme que représente l’apparition de sa première menstruation pour une fille. Mais pourquoi y associer les insectes sinon pour assimiler l’événement à une mutation provoquée par une infestation? Le linceul qu’ils composent évoque la chrysalide à l’intérieur de laquelle s’opère sa métamorphose en mère potentielle possédée, pénétrée par les germes vitaux. Dans le film de Brian de Palma tiré du premier roman de Stephen King (1974), Carrie, l’adolescente est également effrayée lorsqu’elle découvre, dans les douches du collège, l’apparition de ses premières règles. Une fois pubère, son innocence se mue en une force phénoménale qui lui permet de se venger de tous en les détruisant d’un seul regard. Mais revenons à l’initiation de Ripley. Quelques scènes après celle que je viens de restituer à partir du scénario originel, les spectateurs sont conduits à assister à la césarienne thoracique de Ripley. De sa poitrine excisée émerge la petite reine dont elle était enceinte dans l’épisode précédent. Nous apprendrons que le mélange de leurs gènes a entraîné l’acquisition par Ripley et par la reine de leurs aptitudes extraordinaires respectives. La reine a maintenant un système reproducteur complet. Son corps devient en fait la métaphore de l’appareil reproducteur féminin de Ripley qu’on lui a extirpé pour parachever son initiation. Plus tard, lorsque Ripley est dans sa chambre après avoir enfanté de son autre elle-même, elle est totalement recouverte d’un linceul translucide qui constitue un genre de chrysalide la contenant et d’où elle s’extrait au moyen de ses ongles devenus, entre-temps, des griffes animales. Pourquoi mettre l’héroîne dans une chrysalide sinon pour signaler la métamorphose qu’elle vient de subir après son accouchement? Une femme devenue capable de donner la vie – de reproduire elle-même sa fonction reproductrice (l’appareil reproducteur de sa fille) – est définitivement hybride: son génome est hétérogène mi-humain, mi-animal et sa beauté est un masque qui recouvre la part animale qu’elle vient d’exprimer en enfantant.

Ripley et sa fille sont, comme toutes les femmes, hybrides, humaine et animale, parce qu’elles sont à même d’engendrer à partir de leur corps. A la suite de cette expérience si singulière, Ripley se montre beaucoup moins concernée par le devenir de l’humanité: la préoccupation maternelle primaire, si chère aux psychanalystes, l’empêche de ressentir d’emblée une quelconque compassion pour d’autres – les humains – que les membres de sa nouvelle petite famille qui a, entre-temps, proliféré. Sauver l’humanité n’est plus une priorité pour elle et elle refuse d’être sacrifiée à nouveau. Il faudra l’intervention d’une robote de seconde génération, un robot féminin engendré par un autre robot, c’est-à-dire totalement déconnecté de la reproduction naturelle, pour qu’elle recouvre l’âme qu’elle a perdue au décours de sa maternité. L’idée sous-jacente est la suivante: une femme devenue mère n’est plus tout à fait elle-même, elle n’est plus du tout équivalente à un homme; c’est une hybride qui cherchera égoïstement à défendre sa progéniture plutôt que ses autres congénères. Elle devient une fille d’Eve et certainement pas une enfant de Marie. Le Christ n’est plus une figure de la rédemption à laquelle elle cherche à s’identifier…

L’héroïne de La Mutante (Species) subit également, je l’ai dit, une métamorphose lorsqu’elle se transforme en reproductrice. Les signes précurseurs de sa mutation sont bien connus des spécialistes de l’adolescence: elle est boulimique (elle ingurgite une grande quantité de nourriture non réchauffée avec ses mains), et dysmorphophobique, c’est-à-dire qu’elle a l’impression, lorsqu’elle se regarde dans un miroir, que son visage subit des modifications effroyables qui la font pleurer. Quelque temps plus tard, elle est effectivement transformée en chrysalide, une sorte de chambre noire où elle reste isolée du monde mais d’où elle réémergera sous la forme d’une ravissante blonde aux formes des plus féminines, une bombe sexuelle qui attire tous les regards des hommes. Sa beauté n’est qu’un piège, un leurre pour appâter les proies masculines qu’elle cherche à capturer pour qu’elles l’inséminent. Son côté méduse transparaît alors: des tentacules lui sortent du corps, immobilisant ses victimes qu’elle cherche à tuer une fois qu’ils l’ont imprégnée de leur semence. Dans La Mutante 2 (Species II), les enfants du mâle humain dont Species II l’ADN a été infiltré par des gènes martiens, eux aussi, ont pour vocation de se transformer en chrysalides: ces dizaines et dizaines de petits garçons, qui sont nés en tuant leur maman, s’élèvent vers le plafond grâce à des tentacules qui leur sortent du nez. Ils sont alors transformés en cocons d’où écloront des prédateurs inséminateurs, fin prêts, comme leur papa, à infester l’humanité.

Dans le feuilleton Buffy contre les vampires, il est constamment question de magie, de rituels d’exorcisme et de métamorphoses: en vampire, en loup-garou et autre animal plus ou moins fantastique. Ces modifications évoquent, on ne peut mieux, la métamorphose que subissent les adolescents lorsqu’ils deviennent des procréateurs en puissance. Dans un épisode situé au tout début de la série, une ravissante professeure de sciences naturelles séduit ses élèves mâles et vierges. Elles les attire chez elle où elle se transforme en mante religieuse; dans la cage où elle les tient prisonniers, elle les contraint à inséminer ses œufs tandis qu’elle leur dévore la tête. Dieu merci, Buffy finit par la hacher menu. Les adolescents d’aujourd’hui, comme ceux du Meilleur des mondes à qui l’on apprend à pratiquer des «exercices malthusiens», sont prévenus: le sexe oui, la reproduction, non! Dans les différents épisodes de Scream, de Wes Craven et Kevin Williamson (1996, 1997, 2000), que les adolescents adulent, seuls les vierges, garçons ou filles, sont menacés par le tueur fou… Les préservatifs et la contraception apparaissent alors clairement comme les seuls moyens efficaces pour passer sans danger le cap difficile de la métamorphose pubertaire.

Vivipares ou clones: entre les deux, serons-nous sommés de choisir?

La morale des histoires que je viens de vous conter est simple: la femme a tout intérêt à se soumettre à une contraception libératrice, de la puberté à la ménopause, et l’humanité évoluée à développer d’autres modes de reproduction, artificiels, plutôt que de rester subordonnée à mère Nature; car la nature a ses propres objectifs qui sont loin d’être toujours propices à ceux auxquels aspirent les hommes (Bloom 1995). Mais en attendant l’avènement du Meilleur des mondes, hommes et femmes tendent à être associés, dans l’imaginaire populaire, à deux espèces distinctes – provenant de deux planètes différentes, Mars et Vénus… – mutuellement dépendantes: les hommes qui n’enfantent pas ont besoin des femmes pour engendrer leurs semblables, tandis que les femmes ont besoin des hommes pour grimper d’un degré sur l’échelle de l’évolution.

Il est possible d’imaginer, à l’exemple d’Huxley, un monde où la procréation artificielle, in vitro ou par clonage, serait généralisée. La nécessité de la rencontre entre les sexes deviendrait alors caduque. Dans le mirage utopique miroite un univers constitué à nouveau de deux planètes séparées, l’une peuplée de femmes, l’autre d’hommes; chacun des deux sexes, après avoir cheminé ensemble au cours d’une longue histoire commune sur terre, accosterait sur le rivage de leur planète d’origine respective, et jetterait l’ancre pour s’y fixer à tout jamais; nul besoin de se déplacer pour aller à la recherche de son autre moitié; on resterait entre soi et on se reproduirait à l’identique: adieu le vivipare, bonjour le clone! A moins que les vivipares que sont les femmes ne s’accaparent les réserves spermatiques de leurs homologues masculins, les transformant, à l’instar de la reine des insectes, en esclaves de leur processus reproducteur. C’est ce que prophétisent certains auteurs de science-fiction en décrivant des sociétés humaines matriarcales: voir, entres autres, La Jeune fille et les clones de David Brin (1993), Chroniques du Pays des Mères d’Elisabeth Vonarburg (1999), Pollen de Joëlle Wintrebert (2002) et, pour la description de la tentative de mise en place d’un tel système dès aujourd’hui «grâce» à l’apparition d’une maladie n’affectant que les hommes, de la puberté à l’andropause… , voir Les Hommes protégés de Robert Merle (1974).

Nous sommes maintenant à même d’évaluer ce que recouvre la violence des images de la procréation dans les films de science-fiction: elle exprime ce qui soustend l’idéologie occidentale en jetant les pleins feux sur la mythologie qu’elle induit. La quantité d’énergie qu’une espèce, une culture, ou le genre féminin consacrent à la reproduction est censée empiéter sur leur capacité respective à développer et à transmettre la connaissance, c’est-à-dire la culture. La nature, c’est la biologie, la biologie ce sont les modalités de transmission de la vie. En revanche, la culture est rattachée aux activités de production «artificielles», c’est-à-dire non programmées par le devoir de survie biologique. En conséquence, le savoir populaire associe l’archaïsme d’une espèce, d’une culture, d’un genre, à sa propension à accorder la suprématie aux activités reproductrices. La part plus importante qui revient à la femme dans le processus reproducteur, à savoir la gestation et l’instinct maternel qui lui est rapporté, va alors pouvoir être conçue comme un fardeau bloquant son évolution. Ainsi, dans l’imagerie populaire, la transformation d’une femme en mère potentielle ou avérée est présentée comme une véritable métamorphose exprimant son appartenance à une espèce inféodée aux nécessités de la reproduction biologique. La femme enceinte devient une femelle gestante, son état gravide la faisant régresser à un stade infrahumain, animal, celui d’une pauvre vivipare. On tendra donc à opposer les vertus de l’amour et de la volupté sexuelle libérée du joug reproducteur aux dangers de l’involution auxquels la reproduction féminine soumet les hommes. Rendons donc grâce à Huxley d’avoir joué le rôle de Cassandre juste avant l’assomption du troisième Reich et de sa biopolitique mortifère. Et dans un dernier hommage, reconnaissons avec lui le charme des vivipares archaïques que nous sommes encore.

Au terme de cette présentation, il devient évident que les œuvres d’anticipation qui ont trait à la reproduction sont nombreuses et qu’elles reflètent l’évolution contemporaine des représentations et des pratiques occidentales concernant la différence des sexes et les distinctions culturelles. En les rabattant sur une distinction entre espèces, la puissance des images qu’elles sont à même de construire ou d’inspirer révèle la violence des rapports qui sont en jeu entre les sociétés, et l’idéologie raciste qui les sous-tend. De ce point de vue, elles peuvent constituer des supports
pour développer une réflexion éthique qui ne concerne pas seulement le devenir des pratiques scientifiques mais aussi celui des relations entre cultures. En France, les enjeux du voile oriental sont un avatar du combat que les hommes se livrent pour imposer leur perspective sur le monde, le sexe et la reproduction (Moisseeff à paraître), une bataille cosmologique dont rendent compte les space opera.


Marika Moisseeff
est anthropologue et psychiatre à Paris (CNRS, Laboratoire d’Anthropologie Sociale).

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Footnotes

* Certaines parties de ce texte ont déjà été publiées dans Moisseeff à paraître, 2003 et 2000.

** Ethnologue et psychiatre, chargée de recherche au CNRS. Laboratoire d’Anthropologie Sociale, Collège de France, 52 rue du Cardinal Lemoine 75005 Paris. marika.moisseeff@college-de-france.fr

[1Chez les ovipares, «l’embryon ne se développe pas au dépens des tissus
maternels» mais dans des œufs, à l’inverse de ce qui se passe chez les vivipares (voir les entrées ovipare et vivipare du dictionnaire Le Petit Robert, mes italiques).

[2Basé sur une histoire et des personnages imaginés par Dean Devlin et Roland Emmerich, sorti au cinéma en 1994 sous le titre Stargate, et développé pour la télévision par Jonathan Glassner et Brad Wright.

[3Ce que Winnicott, psychanalyste d’enfants, désignait sous l’expression de «préoccupation maternelle primaire»: à la fin de la grossesse et pendant les quelques semaines qui suivent la naissance, la mère développerait un intérêt exclusif pour son nouveau-né (voir Chiland 1985: 35, Winnicott [1956] 1958).

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