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Bergermann, Ulrike

Déléter(e) le chromosome Y? Dites X?

traduction Tatiana de Perlinghi
Inspiré par les femmes de la mailing list FACES

On-line version: http://www.constantvzw.com/cyberf/book/articles.php?pg=art1

Mesdames et Messoeurs,

Bienvenue sur le plus hybride des espaces de travail que cette planète ait jamais engendré! Le mot Hybride a deux significations: d’abord, la batardisation des genres, leur immixtion sexuelle, l’interpénétration de leurs essences, leur croisement génétique, leur métissage actif. Deuxièmement: être arrogant, outrancié, osé, impertinent, intrépide. En deux mots, soyez audacieuses dans le mélange des genres et des gens.

1. LE FÉMINISME a toujours été un cyborg, soit une notion qui lie des normes et des buts (de la cybernétique) à de la chair et de la matière (bref, des corps) d’une façon considérée comme non naturelle - mais au fait, qu’est-ce que le naturel?

Nous sommes des "org", des organismes organisés, parce que "nous" est langage et que nous vous en avons pénétrées. L’invasion a commencé il y a bien longtemps - votre langue maternelle vous a pénétré quand vous étiez bébé - et l’écriture vous saute toujours aux yeux, inventée dans les cultures matriarcales bien avant les signes égyptiens.

Non, ce n’est pas l’avenir du féminisme qui gît dans les cyborgs, le cyberespace ou les cybern’importe quoi. Le féminisme en soi a toujours été un cyborg, vivant dans un espace étrange(r) comme les astronautes dans le cosmos des années 60 (quand ce mot devint à la mode). Le féminisme est une tactique pour (é)mouvoir une matrice, une technique qui lie la technique à un corps, un corps qui lie le corps à la technique: femme est le nom d’un corps spécifiquement gen(d)ré et en même temps le nom d’un type de traitements des signes.

Et le féminisme est ce qui est mis en cause par des phrases commençant par "xy is" -lisez "s/he is". Féminisme est le nom d’une stratégie qui tente d’éviter les termes essentialistes mais n’hésite pas à les utiliser dans une démarche non-essentialiste.

La théorie des media et l’activisme féministe doivent tous deux faire face à la question de la représentation (comment, dans une définition, les mots représentent-ils du contenu, comment les sujets politiques se représentent-ils eux-mêmes, ou comment des structures de représentation se situent-elles au-delà de tout contenu…) Donc, il ne peut y avoir de définition, ni même de communication à ce sujet, pas plus que de pensée, sans que ne soit posée la question de la traduction du contenu en mots ou autres signes, ou plutôt sans une interrogation de ce modèle linéaire de traduction, où ce qui est supposé être la désignation de quelque chose qui préexiste (dans la soi-disant "vraie vie") pourrait en réalité être d’abord (Je suis un mot).

Maintenant, vous comprenez pourquoi le féminisme est un cyborg: le langage comme lien entre technique et matière. Je suis un mot parce que Chaque composant (d’un corps comme d’un langage) peut être lié ou cablé à n’importe quel autre, s’il existe un code qui permet l’échange de signes sur une base commune (Donna Haraway), parce que Le genre est un texte électronique (Sadie Plant), parce que le Cyborg - Elle - est un hypertexte, non lisible sur un mode linéaire, sans fin ni début (Katherine Hayles).

2. LE FÉMINISME TRAITE DES SIGNES

Le féminisme est la capacité à comprendre. Non que les femmes soient si compréhensives ou si compréhensibles. Le féminisme est la potentialité du traitement du texte. La compréhension signifie: comprendre différemment. Les différences sont la condition de toute communication, parce qu’elles permettent de distinguer les signes les uns des autres. La signification est basée sur la différence, et nous allons vous proposer quelques significations très différentes.

On peut considérer le féminisme comme l’activité par excellence de la Toile, la résultante du mode de transmission en TCP/IP, un processus de traduction et de transport- mais pas dans un sens essentialiste basé sur des considérations de prise en charge de tâches multiples ou de procréation, du style: " les femmes ont toujours été très prises par l’intendance domestique, gérant de multiples tâches parallèles, etc", ou: "les femmes en tant que mères sont naturellement faites pour créer, produire,…" - parce que de cette façon, "la femme" serait encore le produit de normes biologiques et sociales, définie par d’anciennes catégories plutôt que déconstruisant celles-ci.

Les problématiques de femmes n’en existent pas moins, et puisque l’internet est fait de mots, la tradition théorique féministe qui s’intéresse à la fabrication des mots, des significations, du texte ou de l’hypertexte trouve ici un espace différent de celui de la vie quotidienne (quoique la vie quotidienne puisse bien entendu elle-même être décrite comme un produit de structures symboliques).
Il est plus facile de travailler sur/dans un medium constitué de différents codes (lettres, codes HTML, bits et bytes, jusqu’au pôles positif et négatif d’un disque ou d’un câble) lorsqu’on en vient au sujet des codes (les codes qui font les femmes: avec / sans fards, vêtements, avec / sans enfants, femme / flamme / flemme / flegme…)
Ou
femme / fomme / fîmes / fûmes / in-fâmes…

Féminisme est le nom d’un modèle de transformation et d’une pratique, d’une idéologie et d’une nouvelle façon de relier les signes, de combiner les notions, de comprendre le monde. Cela ne signifie pas qu’un quelconque sujet doive simplement se parer de la bonne intention pour en faire partie. Il n’est pas ici question de sujets ou d’intentions. Pas non plus d’organes génitaux. Mais de l’effet culturel des organes génitaux comme mots ou comme systèmes sociaux.

Le féminisme pointe des pôles d’interrogation comme le moi. Il ne fait pas le point, mais déconstruit les métaphoricités inhérentes au système en les utilisant par-dessus elle-mêmes.

Ainsi le cyberféminisme est une figure: un modèle du fonctionnement du traitement des signes (qui est politique: la politique est constituée de signes), un corps de discours, une forme de choses à venir (…).
"Weibliches als Verfahren", la féminité comme procédé (tel que proposé par Marianne Schuller et Eva Meyer) vise à travailler sur le processus de création de sens dans un texte, tout en faisant référence -d’un point de vue apparemment formel- à ce qu’on appelle contenu en nommant une certaine pratique "féminine"de façon à jeter un flou sur la dualité forme/contenu.
La femme est un effet du traitement des mots. La femme a un effet sur le traitement des mots.

3. DITES X

Dans ces phrases, nous vous demandons d’écrire le signe corporel des gènes féminins: XXX

N’utilisez pas la vieille touche "d" du système DOS pour effacer (delete). Ne deletez pas le x. Il se pourrait bien que vous désiriez deleter le chromosome y. Alors, passez l’ordre deleté aux rayons x et barrez-le d’une croix. Les signes peuvent être réécrits, ce qui est deleté ne disparaîtra pas vraiment, donc, barrez simplement d’une croix ce qui entrave la transformation. N’essayez pas d’anéantir.

Réécrivez la touche de commande: faites que "d" signifie "dire";
Alors: DITES X. Marquez (d’une croix) ce qui doit être déconstruit, réécrit, combiné autrement.

Signez maintenant.

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